Dernièrement, Dr Michel Pépin DMV publiait sur sa page Facebook “Je suis Vétérinet” l’extrait journalistique de l’évaluation d’un chien croisé Pittbull et Sharpei qui avait mordu à Weedon, en Estrie.
Trois minutes de « flash » télévisé qui devait résumer plus d’une heure d’évaluation réelle. Les commentaires désobligeants envers l’évaluatrice furent nombreux, mais personne n’a émis de réelles précisions constructives ou suggestions applicables. Tous, y compris Dr Pépin, semblent avoir jugé et condamné l’évaluation en se basant uniquement sur ces trois minutes de montage vidéo.
Jamais je ne me permettrais de mettre en doute le professionnalisme du Dr Pépin en tant que vétérinaire. Par contre, je dois avouer que le fait qu’il demande l’opinion publique par le biais de son post n’était pas tout à fait politically correct. Disons que ça alimente bien la polémique actuelle qui existe dans le métier du chien. Je veux bien admettre que ni l’évaluatrice, ni moi-même, sommes vétérinaires, mais est-ce une raison pour dénigrer une « profession »?
Un DMV (doctorat en médecine vétérinaire) est un médecin généraliste pour animaux non humain. Viennent ensuite les vétérinaires qui se sont spécialisés dans un domaine précis tel que la médecine équine, la chirurgie, l’ophtalmologie, la neurologie, la cardiologie, l’orthopédie……. et le comportement animal. Lorsque Dr Pépin affirme que seul un DMV peut s’assurer que le chien ne représente pas un danger pour la société, je ne peux pas être en accord avec lui.
Lorsqu’un DMV, ou tout autre diplômé universitaire, obtient une maîtrise en éthologie, encore faut-il que son cursus ait été fait auprès des canidés car la majorité des MSc Éthologue ont suivi un cursus équin ou en primatologie. Pour avoir travaillé plus de 15 ans avec les chevaux, je peux affirmer qu’un cheval et un chien n’ont pas du tout le même éthogramme comportemental. De ce fait, les DMV MSc Éthologue sont relativement peu nombreux au Québec. Les DMV MSc Éthologue avec cursus canin sont encore plus rares.
Ceci étant dit, l’évaluation comportementale d’un animal jugé potentiellement agressif doit se faire de façon professionnelle. Cette évaluation devrait inclure l’observation des comportements du chien dans son milieu de vie normal, ainsi que dans un environnement inconnu. Malheureusement, comme c’est le cas lors de saisie ou de l’abandon d’un animal, l’évaluation dans le milieu de vie devient parfois impossible.
L’évaluation doit comprendre des mises en situation conflictuelles puisque, généralement, c’est lors d’un conflit que la morsure se produit. L’évaluateur doit donc entrer en contact physique avec le chien. Il doit déterminer le mécanisme de défense du chien, sa stabilité émotive, ainsi que sa tendance sociale. Des données physiologiques doivent aussi être prises en compte. Suite à cette évaluation, il est indispensable de référer au vétérinaire si un doute sur la santé du chien se pointe lors de l’expertise. Le DMV pourra alors vérifier l’état de santé physique du chien par prise de sang et autres examens jugés nécessaires.
Comme dans la majorité des cas de morsures, le chien se révèle être mal socialisé et/ou peu éduqué, le simple fait d’offrir une rééducation avec suivi par un professionnel canin « reconnu » s’avère suffisant.
Lorsque le comportement semble relié à un niveau instable d’anxiété, une médication pourra être jugée nécessaire. Le travail conjoint du vétérinaire et du professionnel canin devient essentiel pour réhabiliter le chien.
Je trouve personnellement non professionnel de dénigrer le travail d’un intervenant sans avoir en mains toutes les données concernant le cas (chien, client, état de la situation, etc). Je ne prends aucunement la défense de l’évaluatrice. Je n’ai pas vu le chien, ni rencontré la propriétaire et encore moins assisté à l’évaluation pour pouvoir prétendre me faire une opinion. Je tiens seulement à préciser que la place publique n’est aucunement l’endroit pour critiquer une telle intervention.
Au court de mes presque 30 années à travailler avec des chiens et de mes 20 années à faire la rééducation de chiens problématiques, j’ai connu de nombreux clients qui avaient eu la forte recommandation de leur vétérinaire de faire euthanasier leur chien. Dans la grande majorité des cas, le chien avait simplement démontré une réticence et/ou de la peur lors de l’examen physique de l’animal. Ces chiens devaient seulement être mieux socialisés et/ou apprendre à gérer leurs autocontrôles.
Je crois sincèrement qu’il est plus que temps que les métiers du chien soient enfin reconnus et qu’il y ait une formation uniformisée et chapeautée par le Ministère de l’Éducation. Être éducateur canin, maître-chien ou comportementaliste exige des connaissances en psychologie, en techniques d’apprentissage, en comportement et bien plus encore.
Il existe un DEC en Techniques Équines. Quand aurons-nous droit à un DEC en Techniques Canines dont les professeurs seraient en majorité des vétérinaires et des éthologues? Tout comme en Techniques Équines où les cours pratiques d’équitation sont donnés par des professionnels reconnus dans le milieu équestre, les cours pratiques en éducation canine pourraient être donnés par des professionnels canins reconnus.
Un DEC en Techniques Canines et le métier du chien enfin reconnus éviteraient les dérapages sur les réseaux sociaux, avec remises en question constantes par le public. On éliminerait les formations maisons offertes par des particuliers ou des entreprises, souvent à prix exorbitants, et les certificats bidons qui n’ont aucune valeur légale. Sans compter que pour quelques dollars on peut facilement se procurer un diplôme sur EBay!
Avec une formation du chien reconnue, le public saurait mieux évaluer les connaissances réelles des différents professionnels canins. Et, pour le moment, que nous soyons vétérinaire, maître-chien, comportementaliste, pro R+ ou autre… de quel droit peut-on se prétendre professionnel, tout en condamnant un chien sans tout tenter pour lui éviter la peine de mort?
Publié le 8 juillet 2016 sur johanneparent.over-blog.com
Auteur : Johanne Parent