À quel âge devriez-vous adopter votre chiot? Pour le mieux-être de votre chiot, à quel âge devrait-il être séparé de sa mère, ainsi que de ses frères et sœurs? À quel âge est-il apte à changer de vie et à joindre votre vie familiale?
Il y a un mythe qui perdure dans le domaine canin et qui prétend que l’âge idéal pour adopter un chiot est 49 jours (7 semaines). D’où vient ce chiffre 49? Afin de répondre à cette question, nous allons revoir ensemble les données scientifiques.
- En 1950, John Paul Scott et Mary-Vesta Marston ont publié dans le “Journal of Genetic Psychology” un article intitulé “Critical Period Affecting the development of normal and mal-adjustive social behavior of puppies”
- En 1959, Clarence J Pfaffenberger et John Paul Scott ont publié dans le “Journal of Genetic Psychology” un article intitulé “The relationship between delayed socialization and trainability in guide dogs”.
- En 1961, DG Freedman, King et Elliot ont publié un article intitulé “Critical periods in the social development of dogs”.
- En 1965, John Paul Scott et John L Fuller publiaient le livre “Genetics and the social Behavior of the Dog”
- En 1999, Raymond Coppinger et Jule Zuccotti on publier dans le “Journal of Applied Animal Welfare Science” un article intitulé “Kennel enrichment : exercise and socialization of dogs”.
- En 2020, une étude finlandaise menée par Jenni Puurunen et ses collègues, « Inadequate socialisation, inactivity, and urban living environment are associated with social fearfulness in pet dogs”
En 1959, selon l’étude de Pfaffenberger et Scott, l’âge idéal pour séparer un chiot du reste de la portée n’était pas avant l’âge de 7 semaines. Ce qui nous emmène à la conclusion qu’aucun chiot ne devrait quitter l’élevage (sa mère, ses frères, ses sœurs) avant l’âge de 7 semaines. Cette conclusion avait été appuyée par la publication de Freedman, King et Elliot en 1961.
Est-ce que l’âge idéal pour adopter un chiot est 7 semaines?
John Paul Scott fut l’un des tout premiers leaders du béhaviorisme animal en Amérique. John L Fuller était généticien. Ensemble, ils ont publié leur livre en 1965. Ce livre est une compilation de plus de vingt années d’étude sur le processus de socialisation du chien avec des centaines de chiens de race Fox Terrier, Cocker, Basenji, Shetland et Beagle.
Leurs données démontrent que les chiots d’une même portée ont un développement qui varie selon l’individu. Entre chacun des chiots, il peut y avoir jusqu’à 1 semaine de différence au niveau de leur développement physique, physiologique et neural. Cette variation est liée au délai d’implantation des ovules fertilisés (2 à 3 jours) et à la naissance qui peut s’effectuer entre le 56ème et le 72ème jour de gestation.
Un chiot âgé de 7 semaines (âge chronologique) se situe en réalité, au niveau de son développement, entre 6 et 8 semaines. Ce qu’un chiot fait à 7 semaines, un autre chiot le faisait déjà à 6.5 semaines ou le faisait uniquement à 8 semaines.
Scott et les gens qui travaillaient avec lui ont divisé la croissance du chiot en 4 périodes distinctes et critiques pour son développement social :
- Néonatale : de la naissance à l’âge de 2 semaines
- Transition : de l’âge de 2 semaines à l’âge de 4 semaines
- Socialisation : de l’âge de 3 semaines à l’âge de 12 semaines
- Juvénile : de l’âge de 12 semaines (3 mois) à l’âge de 32 semaines (8 mois)
Dans la réalité, ils ont remarqué que les marqueurs du début de la socialisation apparaissent de façon variable, entre l’âge de 15 jours et de 27 jours. De là, vient la moyenne de 21 jours. Même si la période prénatale n’est pas prise en considération, elle a un effet direct sur le développement futur du chiot et devrait être prise en considération. En effet, le développement de l’embryon peut être influencé par les hormones de la mère, le stress, les médicaments, les radiographies, les maladies, les parasites et la nutrition. Ils ont remarqué qu’une mère stressée pendant le 3ème trimestre, augmente le risque de donner naissance à des chiots qui auront un état émotionnel élevé, un comportement extrême et une diminution de la capacité d’apprentissage.
Pendant la période néonatale, le chiot boit le lait de la mère et dort. La mère le lèche et s’occupe de lui. C’est la période favorable au développement de l’olfaction du chiot et de son sens tactile. Les chiots manipulés vont bénéficier d’une meilleure croissance, d’une maturité plus rapide et d’une meilleure résistance à la maladie. Ils auront un tempérament plus stable, feront plus d’exploration et apprendront plus rapidement que les chiots non manipulés.
La période de transition correspond au développement de la vue, de l’ouïe et de la proprioception. Les yeux ouvrent vers l’âge de 14 jours et les oreilles vers 21 jours.
À cet âge, les chiots n’ont aucune peur. Un bruit entendu pour la première fois ne va pas évoquer de réponse de peur émotionnelle.
Généralement, on dit que la période de socialisation commence à 3 semaines et se poursuit jusqu’à 14 ou 16 semaines, selon la vitesse de développement du chiot. Pendant cette période, le chiot apprend le langage canin qui inclut l’inhibition de la morsure, détourner le regard, l’intensité de la menace et toutes les mimiques corporelles. Le chiot doit avoir des contacts positifs avec sa mère, ses frères et sœurs, et d’autres chiens. Le chiot apprend aussi qui sont les espèces amies, incluant l’humain. C’est à cet âge qu’il développe un lien avec l’humain. Généralement, on considère que la socialisation intra-espèce (chien vs chien) se produit entre l’âge de 3 semaines et de 6 semaines. Ensuite la socialisation avec les humains se développerait entre la 6ème semaine et l’âge de 14 semaines.
En réalité, sous le terme socialisation, on regroupe en fait la socialisation primaire (chien vs chien) qui commence pendant la gestation et se poursuit jusqu’à l’âge juvénile ou fin de l’adolescence, ainsi que la socialisation secondaire (chien vs humain) qui commence peu après la naissance et se poursuit jusqu’à l’âge de 6 ou 7 semaines, juste avant le début de la période de peur. La dernière partie de cette socialisation est marquée par la période de peur qui se situe entre la 5ème et la 10ème semaine, avec un pic plus marqué entre la 7ème et la 9ème semaine.
En général, toutes les peurs vécues entre l’âge de 7 semaines et de 9 semaines, particulièrement chez le chiot non socialisé, vont très souvent demeurer des stimulus de peur pour la vie. Une peur vécue à cet âge pourrait même se transformer en phobie. Les peurs pourront être traitées par la désensibilisation, mais pourront rarement être enrayées à 100%. La peur d’un stimulus aversif comme la punition physique, l’isolement et la peur extrême peuvent donner des chiens anormalement peureux, avec des difficultés d’apprentissage et/ou un comportement antisocial chez le chien devenu adulte.
Cette période est LA plus critique.
La période juvénile se situe entre l’âge de 3 mois et de 8 mois. Tout ce qui c’est produit pendant la période de socialisation doit être renforcé ou corrigé. Dès l’âge de 8 mois, le chiot devient un “adulte” qui fait des comportements de chiens adultes tels que lever la patte pour uriner, le marquage, l’augmentation de la dominance et de l’agression envers d’autres chiens (surtout entre mâles), l’arrivée des premières chaleurs, ainsi que les comportements de reproduction.
Bon, tout ça c’est bien beau, mais d’où vient le fameux 49 jours?
L’étude de Freedman, King et Elliot fut faite avec des chiots non socialisés et exposés pour la première fois aux humains au moment du test. Le test avait démontré que les chiots avaient une meilleure réponse sociale s’ils étaient mis en contact avec un humain entre l’âge de 6 semaines et maximum 8 semaines. Par la suite, en se basant sur les résultats de ce test, c’est Wolters qui émis la conclusion que le jour 49 était l’âge idéal, si les chiots avaient été élevés en milieu clos!
Pour résumer, si le chiot est élevé en milieu clos (peu ou pas de socialisation) mieux vaut adopter entre l’âge de 6 semaines et 8 semaines si on veut créer un lien d’attachement entre le propriétaire et le chiot, car si on attend à 12 semaines il sera trop tard et on devra palier à plusieurs troubles possibles du comportement. Entre la 8ème et la 12ème semaine, le chiot est encore malléable s’il n’a pas été exposé aux bruits et aux environnements divers.
Si le chiot n’a jamais été mis en contact avec des humains, 7 semaines est bien, mais 6 semaines est mieux. Attendre à l’âge de 12 semaines veut dire qu’on vivra avec un chien peureux toute sa vie.
Si le chiot provient d’un élevage consciencieux, que l’éleveur possède des connaissances qui lui permettent de favoriser le développement de ses chiots (manipulations, bruits, environnements, surfaces, etc) et qu’il laisse les chiots avec leur mère, alors la règle du 49 jours (7 semaines) ne s’applique pas. N’oublions pas que le pic de peur chez le chiot se produisant à la 7ème semaine, l’arrivée du chiot dans sa nouvelle famille à cet âge n’est pas l’idéal.
Scott et Fuller avaient établi que le sevrage des chiots commence normalement à 7 semaines et que la socialisation chien vs chien est encore incomplète à 7 semaines… Alors, pour le mieux-être du chiot, mieux vaut attendre avant de le ramener à la maison.
En révisant toutes ces données scientifiques, si vous adoptez votre chiot d’un puppymills ou d’une animalerie, à 7 semaines il est déjà trop tard car le mal est fait. Les carences issues du manque de socialisation vont mener directement vers des troubles du comportement, à plus ou moins long terme. Certains troubles peuvent faire surface uniquement vers 18 mois et provenir d’un manque pendant la petite enfance.
Si vous adoptez votre chiot d’un élevage responsable, qui socialise ses chiots, alors 10 semaines est le meilleur moment pour ramener le chiot chez vous. Il s’adapte rapidement à son nouvel environnement et vous n’aurez pas besoin de cadran ou de bouillotte puisque le sevrage aura été bien fait et au bon moment.
Auteur : Johanne Parent
éleveur, éducateur canin, intervenant et coach en comportement canin
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