Internet est l’endroit par excellence pour trouver une information. Tout le monde y publie ses idées, son idéologie et son opinion. Les langues, pas toujours très propres, s’y font aller avec enthousiasme. Sans tabou, sans hésitation, on y critique ouvertement les uns et les autres en rejetant trop souvent tout ce qui ne correspond pas à notre idéologie personnelle.
On porte des œillères. On fait l’autruche. Internet est devenu la voie rapide du jugement et de la condamnation. Une photo, un extrait vidéo, une simple phrase et hop…. jugement et condamnation sans jury et sans avocat de la défense.
Doit-on systématiquement rejeter la coercition et/ou l’intimidation en éducation canine?
Une médaille ayant toujours 3 côtés (la face, le revers et le contour), rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Le domaine canin est complexe et rempli de zones grises. On y trouve plusieurs amateurs qui se prétendent professionnels, sans avoir une réelle connaissance et, surtout, sans réelle expérience du chien de compagnie. Partager son quotidien avec un ou deux chiens, ce n’est pas connaître et comprendre LES chiens. Avoir un chien à soi et donner des cours d’éducation à d’autres propriétaires de chiens ne fait pas de soi un expert du chien.
Vivre en meute, c’est-à-dire partager son quotidien familial avec plusieurs chiens (ils vivent libres dans la maison avec soi et non en chenil) offre un tout autre bagage d’expérience et de connaissance. L’expérience de la vie en meute, plusieurs années consécutives, apporte de nombreuses connaissances du langage canin réel et de la communication entre les chiens du groupe… ce qui ne correspondent pas toujours aussi simplement aux signaux d’apaisement tant publicisés! Accueillir des chiens étrangers à la meute pour quelques jours ou quelques semaines, pour leur rééducation en les intégrant à celle-ci, offre aussi une chance incroyable d’être un observateur de premier plan de leurs interactions sociales et de leur mode de communication.
- Vivre avec plus de 12 chiens qui partagent son quotidien, c’est totalement différent que de posséder plus de 12 chiens qui vivent en chenil.
- Vivre avec un chien, ne fait pas de soi un expert.
- Suivre un cours et réussir les examens ne fait pas de soi un expert. N’importe qui sachant lire peut aussi y arriver.
- Savoir utiliser une friandise pour faire asseoir un chien ne fait pas de soi un expert. En fait, n’importe quel idiot peut faire asseoir un chien avec une friandise à la main!
- Offrir de la formation, ou agir comme spécialiste en comportement canin, quand son propre chien souffre d’anxiété, de dépendance affective ou de problèmes sociaux, est la preuve qu’on ne devrait pas se considérer comme un expert!
Et pourtant…
Nombreux sont les soi-disant professionnels en comportement canin québécois ou français qui ne savent pas gérer une meute. Ces « experts » ne peuvent rien faire sans friandises. Certains vont même jusqu’à dire qu’ils sont dans l’impossibilité d’accueillir un autre chien chez eux, sous prétexte que leur propre chien de compagnie sera inconfortable et n’aimera pas ça!?!?! Ne serait-ce pas de l’anthropomorphisme malsain?
Comme le dit si bien Marc Bekoff, l’anthropomorphisme est un critère important dans la compréhension du comportement animal. Par contre, l’anthropomorphisme devient malsain et problématique lorsqu’il fait disparaître le GBS (gros bon sens). Le chien est un animal social et, lorsqu’il est équilibré, il accepte volontiers des camarades canins chez lui. Comment un expert en comportement peut-il offrir ses services, s’il est incapable de rééquilibrer son propre chien?
Il existe 2 types de spécialistes. Le spécialiste bouquiniste (celui qui a appris dans un livre ou en suivant un cours) et le spécialiste de terrain (celui qui a appris en vivant avec une meute depuis des années).
Lorsqu’un spécialiste bouquiniste offre ses services en comportement canin, il n’est pas rare de le voir patauger. Il organisera une rencontre informelle (forum de discussion, 5 à 7, question sur un groupe FB) entre professionnels pour discuter d’un problème particulier afin de savoir ce qu’eux feraient afin d’offrir une réponse satisfaisante au client. Comme dans bien des cas il a peur des chiens agressifs, il prétendra que la stérilisation fera partie de la solution pour diminuer ou prévenir l’agressivité du chien. Il prétendra aussi que son compétiteur possédant une meute non stérilisée utilise forcément la coercition si ses chiens ne se bagarrent pas et sont équilibrés. C’est du moins la résultante d’une rencontre entre 2 experts canins québécois que je connais. L’un étant bien connu par l’intermédiaire de plusieurs médias et travaillant exclusivement avec la friandise. L’autre travaillant avec des chiens de détection et des animaux de cinéma en utilisant très peu la friandise et seulement en association avec d’autres aides en renforcement positif.
Et le spécialiste de terrain??? De son côté, le spécialiste de terrain observe quotidiennement les interactions de ses chiens. Il étudie leur mode de communication, leur langage corporel, leur gestuelle, leur aboiement… bref il voit, prend note et analyse. Les actions et réactions des uns envers les autres offrent une vitrine sans pareil pour comprendre la nature réelle du chien. Pas besoin d’être un universitaire pour être en mesure d’analyser ce que l’on voit!
Les chiens, entre eux, utilisent la coercition et l’intimidation quotidiennement dans leur mode de communication. Posture haute, grognement menaçant, dents visibles avec mâchoires ouvertes ou fermées… Toute cette gestuelle sert à impressionner et à intimider l’autre. Une morsure au cou, une patte sur la tête ou le dos, un chevauchement peuvent se produire pendant le jeu ou pour intimider, et même pour corriger! Dans cette optique, l’intimidation existe donc tout naturellement chez le chien de compagnie. Entre eux, ils utilisent des signaux corporels et vocaux pour amadouer « l’agresseur ». En fait, l’exubérant en manque de contrôle va crier, prendre une posture basse et tenter de se faire pardonner après la réprimande donnée par un autre chien (morsure) exigeant le calme.
- Deux ou trois chiens jouent avec une corde en tirant dessus. L’un d’entre eux grogne pour inciter les deux autres à lâcher leur prise… ou pour démontrer qu’il apprécie ce jeu?
- Au moment du repas, chacun mangent dans sa gamelle. Certains vont aboyer ou grogner pour intimider les autres et leur dire de ne pas approcher.
- Une chienne mord ou écrase son chiot sur le sol pour lui apprendre la discipline.
Comme ces comportements normaux impliquent une certaine forme de coercition ou d’intimidation, comment peut-on prétendre que l’on doive systématiquement rejeter toute forme de coercition ou d’intimidation? Comment peut-on prétendre que seule une méthode R+ doit être utilisée par l’humain pour éduquer, guider ou éviter un comportement inadéquat avec son chien de compagnie? Comment peut-on prétendre qu’on doit toujours ignorer un comportement indésirable, sans jamais intervenir pour obtenir l’arrêt ou pour réorienter le chien? Une intervention étant considérée comme une forme de punition ou de renforcement négatif, beaucoup de professionnels diront qu’il faut ignorer et attendre que le chien fasse de lui-même un bon comportement pour le récompenser et renforcer.
Attention, ne me jugez pas. Ne me condamnez pas. J’analyse. Je me fais encore une fois l’avocate du diable, un point c’est tout. Ne prenez pas pour acquis que je suis anti R+ ou pro R- parce que j’analyse les 3 côtés de la médaille!
Par le biais de preuves offertes par leurs écrits publiés sur Internet, je crois sincèrement que certains pro R+ qui excluent toute forme de coercition ne prônent pas le Renforcement +, mais plutôt le Ridicule + en excluant la nature même du chien.
Le chien n’est ni un loup, ni un humain. Le chien est un chien avec son propre mode de communication et son propre langage. La chienne n’offre pas de friandise à son chiot pour l’éduquer. Elle le discipline avec un coup de patte ou une morsure, puis récompense avec un coup de langue. L’humain voulant communiquer avec son chien peut donc utiliser ce même langage. Je ne dis pas qu’il doit mordre le chien ou le frapper! Mais il peut utiliser sa voix pour grogner, découvrir ses dents comme le font les chiens en général, prendre une posture haute ou basse… bref, il peut utiliser son langage corporel pour communiquer avec son chien.
À vouloir à tout prix bannir le dressage traditionnel et ses accessoires cruels, trop de gens oublient la réalité du chien domestique et pataugent dans ce monde canin en pleine crise. Bannir certains accessoires qui, mal utilisés ou mal ajustés, peuvent blesser un chien est un grand pas en avant digne de notre volonté à vouloir améliorer la situation du chien de compagnie. Vouloir bannir à tout prix l’intimidation ou la coercition sous toutes ses formes, dénote d’un manque de compréhension réelle du chien et de la psychologie canine. Si on veut bannir à tout prix l’intimidation et la coercition, il faut aussi bannir toutes les laisses, les longes, les colliers, les harnais, les vêtements pour chien, les enclos, etc… car ces accessoires ne sont aucunement naturels pour le chien. Utiliser une délimitation territoriale (clôture, enclos, laisse, longe) pour limiter les déplacements de son chien est une forme de coercition. Ce qu’il faut bannir, c’est l’abus.
Juger et condamner une méthodologie, une approche ou un outil utilisé dans le dressage ou l’éducation du chien est dangereux. Tout change trop vite. Par exemple, des études récentes ont démontré que l’IRM d’un chien correspond à celui d’un enfant de 5 ans au niveau des réactions d’affection, d’attachement et d’amour. D’ici quelques années, des diplômés universitaires oseront enfin dire publiquement que le chien et l’enfant ont les mêmes besoins et les mêmes réactions.
Quand un enfant entre à la maternelle, l’attachement à la mère aura pour conséquence une crise (anxiété) qui le déstabilisera. Quand un chien est laissé seul ou mis en pension, l’attachement au propriétaire peut aussi causer une crise (anxiété) qui le déstabilise.
Une autre étude autrichienne est en voie de prouver que le chien peut « volontairement se venger » lors des absences de son propriétaire et qu’il agit en coupable parce qu’il sait qu’il a mal agit… Tout le contraire de ce que l’on dit aux gens depuis des années! Dans cette étude, le chien fut mis dans une pièce témoin, le propriétaire s’absentait et revenait sans dire un mot et avec une expression neutre sur le visage.
Alors, prétendre blanc ou noir quand la réalité est grise; dire que le R+ est la chose à faire et que le R- doit être exclus dans toutes les circonstances; est-ce une simple utopie qui sera contredite dans quelques années?
Si le chien et l’enfant sont similaires dans leurs réactions selon l’IRM, alors ne devrions-nous pas utiliser les mêmes modes d’apprentissage et de punition?
Quel parent se contente d’ignorer un comportement inadéquat en restant stoïque jusqu’à ce que l’enfant cesse le comportement de lui-même? Quel parent laisse son enfant libre d’agir sans discipliner? Quel parent sera toujours enjoué et zen quand son enfant fait des conneries? Comment peut-on croire qu’un propriétaire de chien ne dira jamais non, n’utilisera jamais la punition avec son chien? La punition est-elle systématiquement physique? Je ne crois pas.
Et si l’éducation du chien devait se faire comme celle d’un enfant? La discipline enseigne les normes acceptables dans la société humaine. La discipline n’est jamais synonyme d’abus physique ou psychologique. N’est-ce pas ce qui est le plus important? Éviter et rejeter l’abus?
Le chien, tout comme l’enfant, devrait être guidé tout au long de sa vie, sans exclusion de la discipline. La discipline naturelle entre chiens se fait principalement par les modes de communication et le langage comme je l’ai expliqué précédemment. Tels les chuchoteurs avec leurs chevaux, utilisons le langage naturel de nos chiens pour communiquer avec eux.
L’éducation avec l’aide d’une friandise comme récompense ne date pas d’hier! Elle existe depuis des centaines d’années, voir des milliers, car je suis certaine que bien des humains au court des siècles ont demandés à leurs chiens de s’asseoir en leur présentant un os ou un morceau de viande…
Agissons contre l’abus… et contre l’imbécilité. Ne tombons pas dans le Ridicule +
Se focaliser sur la souffrance, la maltraitance du chien est légitime. C’est de la compassion.
Se focaliser sur une méthode ou un outil (collier, harnais, etc) est une erreur culturelle.
Chaque méthode, approche, outil doit être adapté à la personnalité individuelle du chien. Celui qui maltraite un chien au nom du dressage ou de l’éducation n’est aucunement un expert. C’est un imbécile.
Apprenons à parler chien et à communiquer avec lui comme le font les chuchoteurs américains avec leurs chevaux. L’éducation éthologique du chien, c’est l’éducation en utilisant le langage du chien. L’éducation éthologique du chien, c’est l’Approche Dogmanship™.
À suivre!
Publié le 17 septembre 2014 sur johanneparent.over-blog.com
Auteur : Johanne Parent