Comment peut-il en être autrement? Le nombre en constante croissance de nouveaux éducateurs, mais surtout de soi-disant comportementalistes ne cesse de m’étonner. En effet, ils poussent presqu’aussi rapidement que la mauvaise herbe dans le pâturage en face de chez moi! Qu’est-ce qu’ils ont de plus?
Ils sont jeunes. Ils sont dynamiques. Ils croient avoir obtenus la science infuse du domaine canin. À leurs côtés, les vieilles croûtes comme moi sont considérées comme des reliques, voir des arriérés mentaux!
Avec l’âge, vient l’expérience et la sagesse. La sagesse de comprendre qu’on ne sait pas tout, qu’on s’était trompé, qu’on a dû changer d’optique, qu’on en apprend tous les jours. La sagesse de voir et de sentir le chien, de comprendre son langage et ce, sans avoir besoin d’une affiche, d’un livre ou d’une vidéo. La sagesse de savoir que ces « images » sont toujours interprétables. Il baille ou se couche sur le dos ne veut pas nécessairement signifier que l’humain au bout de la laisse est un agresseur ou un abuseur. Le chien peut effectivement démontrer un inconfort, mais aussi un je m’enfoutisme en tentant d’orienter l’humain vers autre chose que ce qui est demandé. Dans mon livre Perception Homme-Chien (publié en 2011), je donne plusieurs exemples d’interprétation de ces différents signaux.
La nouvelle mode du renforcement positif fait croire aux propriétaires de chiens que les vielles croûtes comme moi sont désuètes et que nous sommes des tortionnaires avec des méthodes de l’âge des cavernes. Et si c’était cette nouvelle génération d’éducateurs les arriérés mentaux?
En effet, en 127-166 avant J-C, un fermier romain du nom de Marcus Varro écrivait qu’il fallait commencer le dressage du chien de troupeau alors qu’il était chiot en évitant le plus possible la punition. Plus près de nous, Hutchinson a publié un livre en 1848 dans lequel il expliquait que le dressage devait se baser sur la récompense du chien en écrivant « Soit généreux de ses qualités. Soit un peu aveugle face à ses défauts. » En 1882, Hammond écrivait qu’il fallait encourager et récompenser le chien avec de la viande lorsqu’il faisait un bon comportement.
Si c’est pas du beau renforcement positif ça!?!
Continuons nos recherches en renforcement positif…
Du côté allemand, Most a joué un rôle plus qu’important dans la fondation de la Society for Animal Psychology. En 1910, il mettait l’emphase sur l’utilisation de comportement instinctif comme la chasse et poursuite pour dresser le chien à produire des comportements désirés en utilisant la persuasion et les stimuli, faisant la différence entre un renforçateur primaire et secondaire, ainsi qu’en insistant sur l’importance du timing des récompenses et de la punition. Son livre démontre la compréhension réelle des principes du conditionnement opérant, presque 20 ans avant que Skinner en parle. Même si depuis 2001 l’utilisation du collier étrangleur et du collier à pics sont dénigrés par une majorité de militants en renforcement positif, les principes de base de Most sont toujours d’actualité et utilisés par les corps policiers et militaires, ainsi que par les adeptes de sports de travail tels que le ring ou le schutzhund.
Dans les années 50’, Bailey-Breland (étudiante de Skinner) ont joué (avec ses deux maris) un rôle majeur dans le développement de techniques d’entraînement chez l’humain et l’animal. Ils ont entraîné des pigeons pour orienter les bombes, ont été les premiers à utiliser les baleines et dauphins pour les besoins de la marine américaine et les animaux pour des annonces commerciales et la télévision. Ils ont été les pionniers de l’utilisation du clicker comme conditionnement opérant pour entraîner les animaux à de longues distances. Ils ont entraîné plus de 140 espèces d’animaux. Et ce n’est que dans les années 80’ que Karen Pryor fit en sorte de rendre accessible à tous l’utilisation du clicker.
Wow! Donc, même si je suis une vieille croûte de 46 ans, le renforcement positif et le clicker datent de avant ma naissance!
Après la deuxième guerre mondiale, le chien de compagnie connu une augmentation de popularité et le American Kennel Club commença à offrir des concours d’obéissance accessibles aux propriétaires de chiens de compagnie. Comme tout le monde peut encore aujourd’hui s’improviser dresseur, éducateur ou autre… de nombreux spécialistes ont vu le jour et ça a dérapé un peu. Certains continuaient de prôner le renforcement positif, alors que d’autres se concentraient sur la punition donnée par un bon coup de collier et la dominance physique.
Puis dans les années 70’, le vétérinaire béhavioriste Dr Ian Dunbar s’est fait connaître en popularisant son Sirius Puppy Training où il enseignait aux propriétaires de chiots comment bien les éduquer. Au Québec, ce fut l’éthologue Richard Beaudet qui proposa le concept de la maternelle au Centre Canin DesRuisseaux. Concept qui fut repris par les divers centres canins et écoles du Québec par la suite.
Sachons faire la part des choses. Nul ne peut performer avec des méthodes coercitives. Les approches positives sont toujours préférables et le renforcement positif est une de ces approches, mais pas la seule qui soit positive.
Les guerres de pouvoir entre pro r+ et les autres me tombent royalement sur les nerfs car elles démontrent un manque total de maturité et de compréhension réelle du chien. Le toutou de famille qui est équilibré et sans souci sera bien dans un environnement purement positif sans jamais être réellement cadré. Mais le chien instable, réactionnel, qui a appris la dominance et l’utilise à mauvais escient… le chien catalogué agressif, parfois sans raison réelle, ne cadre pas en mode positif tel que ces professionnels veulent nous le faire croire. La preuve? Cette nouvelle génération condamne des dizaines de chiens dits irrécupérables sans tenter autre chose que leur méthode. Ces chiens sont catalogués d’exceptions à la règle. Les propriétaires se font dire qu’il n’y a rien à faire ou pire, on leur recommande de doper le chien! Bah oui, la médication ça rapporte gros et ça colmate bien les fuites!
Ôtez-vous l’image du dresseur de lion et regardez la réalité en face. Un chien ça demeure un dentier sur quatre pattes qui peut potentiellement causer des blessures. Le chien de compagnie n’est pas un mini humain. Il demeure un animal que l’on OBLIGE à vivre dans une maison, à accepter de se faire cajoler et de servir de bouée de sauvetage émotionnel pour la plupart des humains.
Il faut savoir doser le positif et le négatif afin d’équilibrer le chien. Il faut favoriser une relation harmonieuse entre le chien et sa famille humaine, sans pour autant les transformer en distributeurs de friandises. Il faut favoriser l’apprentissage rapide et permanant, sans changer simplement le problème de place.
Ne jamais nuire, telle est ma philosophie et mon approche.
Quand je vois tel professionnel recommander telle chose pour empêcher le chien d’aller aboyer à la clôture, mais que le chien apprend à venir quémander la bouffe… on est loin d’avoir régler le problème! On a seulement colmaté une fuite pour développer un autre problème!
Trop souvent ces professionnels confondent éducation et obéissance. L’éducation, c’est le savoir-vivre, le respect, le lien entre l’Homme et l’animal. L’obéissance, c’est l’apprentissage conditionné de commandements. La friandise est un renforçateur à utiliser pour l’apprentissage conditionné d’un commandement. Elle ne joue aucun rôle direct réel dans le savoir-vivre, le respect ou le lien! Au contraire, bon nombre de problèmes de comportement que le chien de compagnie développe proviennent de l’utilisation de la friandise en dehors de l’apprentissage conditionné.
Alors chers membre de cette secte new age du R+, cessez donc de considérer les vieilles croûtes comme moi comme des illettrés, des gens limités et bornés, ou encore comme des gladiateurs ou des abuseurs de chiens. Nos connaissances sont parfois supérieures aux vôtres, mais ce qui est certain, c’est que nous avons vu neigé avant aujourd’hui. Notre expérience démontre sans équivoque que chaque chien est un individu unique et que la méthode utilisée doit être adaptée aux besoins spécifiques de cet individu et de son propriétaire. Que chaque outil a ses bons et moins bons aspects et qu’en fait, aucun accessoire (collier, harnais, laisse, licou, etc) n’est parfait pour tous les chiens et dans toutes les situations.
Ce qui fait la différence entre un vrai professionnel canin et les autres c’est : sa capacité d’adaptation et son ouverture d’esprit. Si ça marche pas, alors comment faire pour que ça marche? Le vrai professionnel saura trouver la bonne réponse. Il ne se laisse ni influencé par un méthode ou un accessoire, ni par le jugement d’autrui.
Les diplômes et certificats ne sont que des bouts de papiers colorés. On peut en acheter sur EBay ou se les fabriquer avec Photoshop. Ce qui compte c’est la compréhension réelle du chien et d’obtenir un résultat positif à long terme. Il ne faut pas se contenter de colmater la fuite. Il faut la stopper.
Publié le 8 août 2016 sur johanneparent.over-blog.com
Auteur : Johanne Parent