La jeune génération d’éducateurs canins donne souvent du fil à retordre aux vieux de la vieille comme moi qui sont dans le métier du chien depuis 30 ans. On nous rabâche les oreilles qu’on est des arriérés, des incompétents coercitifs, sous simple prétexte que nous sommes sur le terrain depuis des lustres et, surtout, dans une époque où le collier étrangleur était l’outil utilisé par la majorité des professionnels canins et des propriétaires de chien. Une jeune éducatrice du Québec a même osé m’écrire : « Piff, tu dis que tu es dans le métier depuis 1987 ben alors recycle toi pcq t’es passé date!«
Cette jeune génération oublie que nous étions déjà sur le terrain à expérimenter et à utiliser les concepts béhaviorisme décrits et popularisés par Ivan Pavlov, Edward Thorndike, Edward Tolman et B.F. Skinner. Le conditionnement, classique ou opérant, était déjà utilisé dans les années 1980. D’ailleurs, une grande partie des gens de ma génération utilisait déjà la friandise pour modeler (shaping) un assis ou un couché à la façon « leurre » enseignée par le Dr Ian Dunbar, vétérinaire béhavioriste. Dans les années 1960, le Dr Withney utilisait et enseignait la méthode du leurre. Il y a eu aussi le vrai Dog Whisperer, Paul Owens, qui prônait la non violence dans ses cours « Non-Violent Dog Training Classes ». Au final, la friandise utilisée comme aide d’apprentissage et de récompense n’est pas une nouveauté du 21ème siècle!
On nous reproche d’utiliser des termes comme hiérarchie et dominance. Bon là, ça dépends de qui et des circonstances, mais parlons avant tout de la signification réelle de ces mots avant de conclure que ça n’existe pas.
Le mot hiérarchie fait partie du vocabulaire normal, essentiel et intrinsèque de la vie biologique et du statut social animal. Au sein d’une même espèce, que vous le vouliez ou non, il s’établi une hiérarchie de dominance. Outch! Exactement! La hiérarchie existe!
Dans une même espèce, que l’on parle d’insecte, de poisson, d’équidés, de canidés, de primates… il existe une hiérarchie basée sur le statut social de l’individu. À priori, la hiérarchie existe-t-elle chez le chien? Oui.
Cette hiérarchie canine est-elle constante ou situationnelle? Voilà la vraie question à se poser! Selon la situation, les individus impliqués, l’environnement et les émotions; la hiérarchie change et s’adapte aux circonstances. Le chien n’est plus un animal sauvage qui doit survivre comme les autres canidés. Il est devenu dépendant de l’humain. Sa hiérarchie est devenue adaptative.
Maintenant, peut-on prétendre qu’il y ait hiérarchie réelle entre humain et chien? J’ai écrit ci-haut que la hiérarchie est présente au sein d’une même espèce. Malgré ça, certains scientifiques, comme par exemple le Dr Roger Abrantes, exliquent qu’une certaine forme de hiérarchie de dominance est possible entre différentes espèces. Mais bon, disons que la hiérarchie de dominance n’existe pas entre l’humain et le chien.
Ok donc, s’il n’y a pas de hiérarchie entre humain et chien, existe-t-il de la dominance possible entre chien et humain? Non plus. En fait, le mot dominance fait référence à un concept strictement humain dans le cadre d’études éthologiques. Dominance et hiérarchie ne sont pas des synonymes. Par contre, autre son de cloche, Mark Bekoff écrit en 2012 que « La dominance n’est pas un mythe. La dominance sociale est réelle, mais elle a été très mal comprise et mal utilisée. Le concept de dominance sociale n’est pas un mythe. Un mythe est une histoire inventée. »
La dominance existe chez le chien. Mais peut-on parler de dominance dans une relation humain-chien? Ouf, mon opinion personnelle est…. non. Pourquoi? Parce que d’un point de vue purement philosophique, la dominance implique des inégalités sociales. La classe ouvrière pauvre, la classe moyenne et les riches. La dominance fait aussi référence à une supériorité de race (la race arienne, le KKK) et à la mise en place de privilèges accordés aux supérieurs et refusés aux inférieurs. La dominance est liée à la discrimination, à l’injustice, à l’infériorité sociale et à la dictature.
Ceci étant dit, lorsqu’un professionnel canin vous parle de dominance en se basant sur une vision dans laquelle vous devez être le chef de meute… oups, il y a erreur et incompréhension de la psychologie et de l’éthologie du chien. Oubliez ce professionnel et allez ailleurs avec votre chien.
Le professionnel ayant bien compris la psychologie et l’éthologie du chien devrait vous parler de leadership situationnel. C’est quoi ça? Le leadership situationnel fait référence à guider en s’adaptant aux différentes situations et aux individus. Le leader situationnel s’adapte à la personnalité individuelle du chien dans le but d’obtenir des résultats positifs, tout en développant le potentiel du chien et en contribuant au succès de l’équipe que forme l’humain et son chien. Son but est de favoriser le travail d’équipe, sans jamais nuire, ni tomber dans la maltraitance envers le chien.
Wow! Comment on fait ça?
Le type de récompense (voix, toucher, nourriture) ou l’outil (type de collier, laisse, longe, harnais, licou, clicker) n’ont aucune importance, puisqu’ils ne sont que des accessoires. Le leadership s’établi sans ses outils et s’adapte au chien individuellement.
C’est ce que je fais déjà depuis plus de 25 ans. C’est la philosophie à la base de la création de Cynophilo. L’éducation du chien n’est pas basée sur un modèle hiérarchique ou de dominance. L’éducation Cynophilo est basée sur le développement du lien humain-chien, afin de travailler en équipe en comprenant les besoins et les attentes du chien.
En résumé, la hiérarchie fluctuante de dominance entre les chiens existe. Mais je crois sincèrement que la hiérarchie entre humain et chien est un mythe, ainsi que la dominance entre humain et chien. L’humain doit éduquer son chien, donc le guider, comme il le fait avec un enfant.
Auteur : Johanne Parent
éleveur, éducateur canin, intervenant et coach en comportement canin