La mission du journaliste est d’informer et de propager la nouvelle, mais surtout de la vendre. Vendre la nouvelle et faire augmenter la vente du média sont ses priorités. Qui dit vente de nouvelle, dit revenus. La télé a besoin de bonnes cotes d’écoute. Les journaux et les magazines doivent se vendre. Les pages web doivent augmenter le nombre de leurs visiteurs. L’arrivée des réseaux sociaux a littéralement augmenté la vitesse de propagation via la publication électronique de la nouvelle et les millions de partages possibles.
Qu’est-ce qui fait vendre le plus? Évidemment, c’est la peur. La peur des musulmans, la peur des armes à feu et, ces dernières semaines, la peur du Pittbull tueur sanguinaire. (soupir)
Bien que Pitt ait été créé dans le but de combattre à mort dans une arène, il n’en demeure pas moins qu’un simple chien. Pitt provient du même ancêtre commun de tous les chiens de la planète : le loup.
Ce grand méchant loup accusé à tort de tous les meurtres sordides et les disparitions inexpliquées pendant des siècles. Ce loup qui a osé bouffer le Chaperon Rouge et sa Mère-Grand, sans oublier les Trois Petits Cochons. Ce loup que l’on disait sournois, sanguinaire et sans cœur. Ce même loup qui, dans les faits, a peur de de l’Homme et l’évite. Ce loup qui, dans la réalité des faits, attaque très rarement l’humain.
Le mythe du loup sanguinaire existait (et existe encore dans l’esprit de certaines personnes) grâce aux journalistes et leurs ancêtres les « conteurs ». Vous savez, ces étrangers qui voyageaient d’un village à l’autre et qui, en échange du gîte et couvert, racontaient des histoires aux villageois. C’est de cette façon que sont nées les légendes, les histoires de troll et autres mythes. Ce sont aussi ces conteurs qui ont conduit au massacre des fameuses Sorcières de Salem.
Revenons à notre ami Pitt. Pitt n’a jamais été une race de chien. Je rappelle ici que le terme « race » désigne un chien reconnu comme ayant un standard stable et un pedigree émis par la FCI, le AKC, ou le CKC, ce qui n’est pas le cas de Pitt.
Pitt désigne un chien de type molosse, compact, possédant une bonne force physique et qui ne recule pas face à la peur. Pour imager cette description, disons qu’il s’agit d’un croisement entre George St-Pierre, Rambo et Therminator.
Tout comme le loup, Pitt a été victimes de légendes : mâchoires qui se barrent, tueur sanguinaire, hypocrite… Les médias, et les politiciens, se base sur ces légendes pour jeter de la poudre aux yeux du public et favoriser la peur. Mais qui, parmi les professionnels du milieu canin québécois ou les vétérinaires, peut affirmer que tel chien est bel et bien Pitt, sans aucun risque de se tromper?
Chaque année, je vois ces centaines de québécois qui achètent des chiens dits de race pure, alors que la seule caractéristique réelle de la race qu’ils ont est leur nom. En effet, je vois des dizaines de « Husky » qui ressemblent à des lévriers aux yeux bleus, des « Berger Allemand » qui (mis à part leur couleur) ne correspondent pas au standard de la race, des « Labrador » qui ne sont que de simples chiens noirs aux oreilles tombantes, sans compter toutes ces créations loufoques du genre « Boxydoodle », « Bernerdoodle », « Goldendoodle », « Aussidoodle », « Bernadoodle », et j’en passe!
Combien de croisements de Rottweiller, de Boxer, de Bulldog… retrouve-t-on qui sont confondus avec Pitt? Combien de races reconnues sont confondues avec Pitt par les néophytes? On a qu’à penser au American Staffordshire Terrier, au Cane Corso, au Dogo Argentino, au Matin Napolitain, au Presa Canario, au Bulldog Américain…
Qui le public doit-il croire entre la nouvelle qui fait la « Une » et qui mentionne Pitt, ou le professionnel canin qui prend la défense de Pitt? Comme le prouve le loup, Pitt écope et est condamné à tort.
Qui est le propriétaire de Pitt? Pour simplifier, je vais regrouper les propriétaires en deux grandes catégories : les vrais amoureux de la race et les délinquants.
Les amoureux de Pitt l’ont socialisé et éduqué, afin que Pitt soit stable et capable de gérer ses émotions. Les délinquants adoptent Pitt pour diverses raisons : impressionner, défendre leur business (armes, drogues), parce qu’ils vivent le rejet… Le délinquant est souvent un criminel en circulation, un repris de justice, ou un « rejet » de la société. Il se sent incompris, à part des autres, et il se fou souvent des besoins réels de Pitt.
Le vrai problème n’est pas Pitt. Envoyez à l’abattoir tous les Pitt canadiens ou à l’échelle internationale si vous voulez, le problème ne sera pas réglé. Les délinquants se choisiront un autre molosse ou en créeront un autre. Bannir n’a jamais été une solution mais, la politique étant ce qu’elle est, on préfère la solution facile et tape à l’œil, au lieu de faire face au vrai problème. Le problème réel est celui-ci : tout le monde peut s’improviser professionnel canin (éleveur, éducateur, comportementaliste, maître-chien, etc) parce que les métiers du chien ne sont pas reconnus puisqu’il n’existe aucune formation uniformisée et offerte par le biais du réseau du Ministère de l’Éducation.
En politique, c’est toujours plus facile de jeter de la poudre aux yeux des électeurs et de les influencer en jouant avec leurs émotions, que de faire face aux vrais problèmes de notre société.
Bannissons Pitt… et des dizaines d’autres races reconnues devront suivre le même chemin vers l’intolérance, la non acceptation et… l’extinction. Grâce aux conteurs, le loup a presque disparu. Devons-nous continuer sur cette voie et, dans quelques générations, se contenter d’aller voir les chiens dans les zoos? Vous trouvez que j’exagère? Bah…c’est pourtant pour des raisons similaires que plusieurs mammifères sont aujourd’hui protégés ou en voie d’extinction.
Publié le 8 juillet 2016 sur johanneparent.over-blog.com
Auteur : Johanne Parent